“Nous, on fait le marronnage” – Interview de Jay Asani et Mona Banbou activistes martiniquaises

“Nous, on fait le marronnage” – Interview de Jay Asani et Mona Banbou activistes martiniquaises

Début de l’interview que Jay Asani et Mona Banbou ont accepté de m’accorder pour la revue Assiégées (disponible en librairie, sur commande et gratuitement en ligne)


Avril 2020 : la pandémie COVID-19 continue de faire des ravages à travers le monde. Depuis plusieurs semaines le mot d’ordre est immobilisme. Des injonctions à suspendre tout voyage, tout déplacement, tout mouvement pouvant amener à être en contact avec l’autre. Mais l’immobilisme ne va pas concerner tout le monde et encore moins dans la même temporalité. Malgré l’hécatombe italienne, vols et croisières en partance de la péninsule continuent de déverser leur lot de touristes sur les côtes des « destinations soleils ».

Ces territoires uniquement considérés comme lieux de villégiature pour des européen.e.s qui souhaitent leur plage de sable blanc et leurs 15 jours au soleil. Des espaces, dans l’imaginaire collectif, qui semblent dépourvus de population si ce n’est celles disponibles pour servir le « Dieu touriste ». Comme une répétition morbide de l’histoire, la maladie viendra de l’extérieur : des navires et des avisons de vacancier.ère.s qui refusent que la menace d’une grippe mortelle puisse empêcher leurs congés annuels. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été dénoncés.

Face à l’inaction des dirigeant.e s, des activistes ont pris les choses en main. armé.e.s uniquement de leurs drapeaux rouge, vert et noirs de la Martinique, de leurs bèlès, de leurs conques et de leurs demandes aux respects et à la sécurité, iels se rassemblent à l’aéroport. Exigent des réponses quant à la présence de cars entier de touristes italiens qu’on avait pourtant assurés qu’ils ne mettraient pas les pieds sur le territoire. Sur les vidéos, on peut entendre les chants et les slogans, tandis que les militant.e.s sont malmenés par les forces de l’ordre. Parmi les présent.e.s ce soir là, on reconnait des visages associés désormais à la lutte martiniquaise face à la gangrène coloniale que représente la France : Jay Asani et Mona Bambou. Deux femmes noires du pays qui interpellent, brandissent les drapeaux, placent leurs corps en barrage d’une énième violence menaçant de se déferler sur l’ile par l’arrivée massive de ces corps étrangers. Une manifestation physique d’un système immunitaire insulaire qui s’active, avec le peu de moyens à disposition, pour empêcher le virus d’infecter leur territoire. Nous sommes allées à leur rencontre à l’occasion de ce numéro d’Assiégées.

Jay et Mona sont alors toutes les deux en quarantaine, tout comme l’ensemble des martiniquais.e.s. et le reste de la Caraïbe. Jay nous explique qu’elle accueille cet immobilisme du mieux possible, comme l’opportunité de s’arrêter et de se recentrer sur elle. « Ces dernières semaines, la lutte a pris beaucoup d’ampleur et elle a pris le pas sur ma vie, je n’avais pas l’équilibre pour ne pas m’y perdre, donc ces temps-ci, c’est une pause forcée, mais c’est une pause dont j’avais besoin ». En effet, la lutte dont elle parle dépasse la mobilisation à l’aéroport et englobe des semaines de blocages de différentes centre commerciaux sur le territoire, des mois de prises de paroles pour conscientiser la population sur l’empoisonnement des terres au chlordécone et le besoin de changer la consommation locale, mais aussi des appels sans discontinuer à ce que les coupables soient trainés en justice.

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